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iCHSTM 2013 Programme • Version 5.3.6, 27 July 2013 • ONLINE (includes late changes)
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Depuis le milieu de XIXe siècle, la vision binoculaire est communément reconnue comme l’une des caractéristiques physiologiques fondamentales permettant la perception du relief. Si une telle faculté apparaît aujourd’hui évidente, le rôle de la binocularité aura cependant attisé la curiosité de nombreux savants. En l’absence d’un bagage épistémique adéquat, ces derniers sont en effet confrontés à un obstacle fondamental rehaussé encore par la conception képlérienne de l’œil: comment peut-on percevoir une image du monde unique et homogène quand chaque rétine en reçoit une image légèrement – mais, d’un point de vue géométrique, essentiellement – différente? L’hypothèse la plus radicale, la plus commode et la plus largement adoptée suggère que la vision se fait constamment au travers d’un seul œil ; la binocularité n’a pour autre fonction que d’élargir le champ de vision et de conserver la faculté de perception si l’un des deux yeux vient à être affecté d’un quelconque handicap ou maladie.
Si comme l’affirme Jonathan Crary, la binocularité n’aurait peut-être occupé qu’une place marginale au sein des théories de la vision avant le XIXe siècle, on peut néanmoins reconnaître plusieurs éléments révélant la présence d’une certaine controverse dans les décennies qui suivent la publication de la Dioptrique de Descartes (1637). Tandis qu’à Paris, Pierre Gassendi et surtout Sébastien Le Clerc se font les apôtres de la monocularité, un frère capucin et fabricant de télescopes, Chérubin d’Orléans, développe une importante théorie de la perception binoculaire, La Vision parfaite (1677, 1681), dans lequel il attaque systématiquement toute position « monoculariste ».
Cette présentation vise à comprendre par quelle méthode et pour quelles raisons une véritable théorie de la vision binoculaire peut être produite à la fin du XVIIe siècle, plus de 150 ans avant la découverte du rôle de la binocularité dans la perception du relief. Loin d’être une « préfiguration » des théories physiologiques du XIXe siècle, La Vision parfaite répond à des intentions précises qui sont, ainsi que je le démontrerai, fortement liées au succès que rencontrent les instruments binoculaires de Chérubin auprès de la noblesse française, et plus largement, à un véritable programme d’autopromotion au sein de la cour de Louis XIV.